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Xijing
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Quelque part au Tibet

Xi'an

Beijing

Gaomi

Quelque part dans le Shandong

Balou

Benaise

Quelque part dans le Zhejiang

Quelque part dans le Yunnan

Liangzhuang

Yongzhou

Xidi

Quelque part dans le Henan

La montagne e l'âme

" À midi pile, notre colonne déferle sur le village miao construit au bord du fleuve Quingshui. Le soleil darde à la surface de l’eau ses rayons éblouissants. De chaque côté de la route, c’est un incessant défilé d’ombrelles colorées et de hautes coiffes en argent que portent les femmes miao. Sur la rue qui longe le fleuve, se dresse un petit bâtiment en brique à un étage surmonté d’une terrasse, tout neuf : c’est le siège de l’administration cantonale. Le long de la berge, se succèdent  les habitations en bois sur pilotis des Miao. De la terrasse du siège l’administration, on aperçoit, sur chaque rive, la multitude des têtes des passants mêlées aux ombrelles colorées et aux chapeaux à larges bords luisant d’huile d’aleurite, circulant entre les petits étals installés sous des bâches blanches. Plusieurs dizaines de bateaux-dragons décorés de rubans rouges, la proue haut levée, glissant en silence sur le fleuve brillant et lisse. "

 

Extrait de La montagne de l'âme, Gao Xingjian, éditions de l'aube, La Tour-d'Aigues, 1995, p.307-308, traduit par Noël Dutrait et Lilaine Dutrait

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Dépasser le pays natal
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" J’ai fait de mon canton nord-est de Gaomi une ville des plus modernes. Dans mon dernier roman Beaux seins, belles fesses, j’y ai ajouté quantité de gros buildings et de nombreux équipements de loisirs. […] j’ose mettre dans mon canton nord-est, en les adaptant, des choses qui se passent ailleurs, dans tous les coins du monde, comme si elles avaient lieu ici. Dans le vrai canton nord-est, il n’y a pas de montagnes, mais n’en ai importé une tout exprès, de même pour le désert, les marécages, j’en ai mis des petits pans, sans parler des forêts, des lacs, des lions et des tigres… autant d’éléments inventés de toutes pièces. "

Extrait de Dépasser le pays natal, Mo Yan, Seuil, 2015, p.41-42, traduit du chinois par Chantal Chen-Andro

"La plaine s'allume à l'éclaircie

A perte de vue, vapeur ni poussière. 

La porte du faubourg donne sur l'embarcadère;

Les arbres du hameau rejoignent le torrent.

La rivière blanche brille par delà les champs

Le sommet de jade jaillit derrière les montagnes. 

A la lune paysanne nul ne peut paresser-

Toute la famille travaille aux champs du Midi. " 

Extrait des Saisons Bleues, Contemplation du soir après l'éclaircie,  Wang Wei, éditions de Phébus, 1991, p.60 + traducteur 

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Saisons bleues
Le rêve du village des Ding
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 "Lors de la construction, mon père avait voulu en tous points imiter les maisons de Dongjing. A l’intérieur, il avait choisi pour le sol des grands carreaux blancs et roses, et pour la cour, des dalles de ciment d’un mètre de côté. Il avait aussi cru bon de remplacer les latrines extérieures où, depuis la nuit des temps, on s’accroupissait pour se soulager, par des toilettes intérieures avec un siège. Malheureusement, mes parents, même en restant assis pendant des heures, ne parvenaient pas à y faire leurs besoins. Mon père avait donc été contraint de remédier à cette situation gênante en creusant des latrines traditionnelles dans la cour. D’autre part, bine qu’elle disposât d’une machine à laver dans la salle de bains, ma mère préférait continuer à laver son linge à la main dans une cuvette dans la cour. Ainsi, le siège des cabinets, la machine à laver, le réfrigérateur et la table de la salle à manger n’étaient en fin de compte que des éléments de décoration. "

Extrait de Le rêve du village des Ding, de 

Yan Lianke,traduit du chinois par Claude Payen,édition Picquier poche,Le Mas de Vert, 2005, p.25

La fute du temps

" Le cimetière se trouve sur un versant ensoleillé. Les stèles l’ont entièrement recouvert, au gré des générations - galets que la marée aurait amenés par vagues successives. Tout en haut, rares et isolées, il y a les sépultures des ancêtres inconnus, puis suivant l’inclinaison de la pente, les tombes se font de plus en plus nombreuses... Les monts qui ondoient comme autant de dos de buffles renvoient une lumière de thé brun... Là, il n’y a presque personne. Le soleil épais a étendu une couverture chaude et duveteuse sous ses pieds. Dans cette tiédeur, d’un pas pressé, elle longe les maisons familières - arbres, rouleaux de pierre,  bergeries, moeurs et nourriture, air, poules et cochons, tout ce qu’elle connaît glisse  derrière ses oreilles. Elle sait les yeux qui la suivent, elle les entend s’essouffler. Elle accélère encore le pas, la voici sur la vaste crête déserte. De là, le village ressemble à un vêtement bleu-noir négligemment jeté sur un versant, dans un pli de la chaîne montagneuse. " 

 

Extrait de La fuite du temps, Yan Lianke, éditions Philippe Picquier, 1998, p10-56

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"J’avais écrit que l’eau de la rivière se ruait en avant comme le fait la tête d’un cheval, chez nous , nous désignons ce phénomène par l’expression "tête de la rivière" .[...].Nous entendions d’abord de lointains grondements, les enfants couraient alors vers la digue pour regarder l’eau en crue débouler, comme venue du bout du ciel. La tête de la crue était plus haute que la surface de l’eau, on aurait dit une horde de chevaux sauvages galopant furieusement, crinière au vent, c’est pourquoi je l’ai comparée à "la tête d’un cheval". [...] C’était un moment d’allégresse pour les enfants. Quelques bons nageurs parmi nous regardaient depuis la digue les objets que l’eau entraînait. Cela pouvait être un arbre fruitier, aux branches encore chargées de fruits. Ou un épi de maïs. Je me souviens qu’une année flottait une pastèque qui roulait dans les eaux, les enfants s’étaient jetés à l’eau, le meilleur nageur l’avait repêchée et on l’avait partagée entre tous sur la berge. La rivière non seulement nous procurait de la nourriture, mais elle devait devenir pour moi source d'inspiration littéraire. Là où il y a la rivière, là assurément il y a naissance d’une civilisation et donc d’une littérature."

 

Extrait de Dépasser le pays natal, Mo Yan, Seuil, 2015, p.48-49, traduit du chinois par Chantal Chen-Andro

Dépasser le pays natal
Vivre!

"Je me trouvai, un après-midi, sous un arbre au feuillage touffu, alors que la récolte avait déjà été faite. Quelques femmes, coiffées d’une serviette, étaient en train de déraciner les plants de coton. De temps en temps, avance un balancement des hanches, elles les secouaient pour en faire tomber la boue, collée aux racines. Je retirai mon chapeau de paille, décrochait la serviette de ma ceinture, et me mis a essuyer mon visage baigné de sueur. J’allai m’assoir contre un arbre, face à un étang qui virait doucement au jaune sous les rayons du soleil. Gagné par le sommeil, je m’allongeai sur l’herbe. Puis, mon chapeau rabattu sur le visage, la tête sur mon sac à dos, je fermai les yeux à l’ombre des feuillages. 

    Ce moi  que j’étais il y a dix ans, allongé entre l’herbe et le feuillage, dormit pendant deux heures. Des fourmis grimpaient sur mes jambes et, sans me réveiller vraiment, je les chassais avec des chiquenaudes. Il me sembla que j’étais au bord de l’eau. Au loin, sur un radeau de bambou, un vieillard se déplaçait à l’aide d’une longue perche en poussant des cris retentissant. Lorsque je m’arrachait à mon rêve, les cris persistèrent pour devenir une réalité. En me levant, j’aperçus près de la rizière un vielle homme qui essayait de faire entendre raison à un vieux buffle. Le buffle se tenait debout, tête baissée, épuisé sans doute par le travail aux champs, et le vieux, dos nu, main sur sa charrue, semblait pester contre la passivité de son animal: {…}. "

 

Extrait de Vivre!, Yu Hua, traduit par Yang Ping, éditions Babel, Arles, 2008, p10-11

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Quatre générations sur un même toit
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"La maison des Qi était située dans la ruelle du petit-Bercail , tout près du temple de la sauvegarde Nationale , dans le quartier ouest de la ville . Peut-être ce lieu avait-il été à l'origine un enclos à mouton , il ne ressemblait en tout cas en rien aux ruelles ordinaires de peiping, qui quadrillent la ville de façon géométrique , ne traçant qu’exceptionnellement çà et là de légères courbes , il avait en fait la forme d'une coloquinte dont l'ouverture et le col , très étroits, plutôt longs et aussi fort sales , débouchaient sur la grande rue à l'ouest .» (p38) 

« Tout comme les autres chinois , les pékinois passent leur temps à se chamailler et ne prennent jamais rien au sérieux .Qu'ils assistent au funérailles solennelles d'un prince ou d'un duc , avec un cortège long de deux ou trois li accompagné d'un impressionnant appareil et de très nombreux instruments de musique , les pékinois , en bons badauds et sans aucune pensée pour la mémoire des défunts , considèrent ces manifestations comme de simples spectacles ." (p472) 

«Il faisait très froid . Des nuages gris-blanc cachaient le soleil . L'eau sur le sol gelait immédiatement . Les moineaux se cachaient sous les auvents ."    
 

Extrait de Quatre générations sous un même toit,    Tome I, LAO SHE  traduit par, JING-YI XIAO

Edition Mercure, 1996, p38-472-634.  

 "Munis de la clé de notre ancienne maison, nous nous apprêtons, mon père et moi, à partir pour une nouvelle « Chasse au trésor » [...] J’ai effectué le trajet entre Liangzhuang et le bourg de Wu pendant cinq ans, pour aller a l’école [...] Je suis complètement perdue, je flotte, comme suspendue en l’air ; malgré mes effort, je n’arrive pas à reprendre pied. [...] De construction récente, certaine sont de plain-pied, d’autres comportent un étage […] entre elles s’insèrent parfois de vieilles maisons. [...] Je contemple la vaste étendue de murs effondres a l’entour de notre maison, en essayant de me rappeler qui habitait la. […] je découvre avec étonnement que devant notre vieille maison, s’étend un immense champ de ruine […] Certaines maisons n’ont carrément plus de toit, il n’en reste que la structure faite de quelques murs. [...] Qui habitait la ? Une atmosphère triste et lugubre, comme dans un immense cimetière, se dégage de ces ruines recouvertes par la végétation. "

 

Extrait de "Si la Chine était un village", HONG LIANG.

traduit par Patricia BATTO, Éditions Philippe Picquier ,

2014, p. 57-64

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Si la chine était un village
Les chroniques de Zhalie
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    "Au fur et à mesure de son avancée sur le bas-côté, il eut tout loisir de constater que la poussière qui jaillissait de l’asphalte enterrait les arbres dans sa tombe. Que les oiseaux qui volaient dans le ciel en tombaient à force de tousser. Que du fait de cette pollution, les jeunes pousses dans le champ qui jouxtaient la route suffoquaient et retournaient à la terre. Celles d’un lopin précis semblaient jouer à cache-cache avec les véhicules, se camouflant pour éviter les particules de minerai puis pointant à nouveau le nez. Il resta longtemps à les regarder, ce n’est que lorsque le soleil qui penchait vers l’ouest y tomba comme une pierre qu’à la hâte il repartit vers la montagne.

      Enfin il arriva au bout de la route, comme on arrive au bout d’un lé de tissu déployé. Au bout du chemin jaune, comme au bout d’un rouleau de tissue de terre déroulé. Au bout d’un petit sentier, comme d’une corde soudain rompue, discontinuée. Dans la lueur restante du crépuscule, champs, villages et ravines reposaient décontractés et sereins au milieu des monts. De la nature sauvage émanait un étrange silence, la paix qui régnait était tel quel qu’il pouvait entendre le battement délicat de ses oreilles. [...]

      Avec ses maisons aux toits de tuiles ou de chaume disséminées à flanc de coteau, le vénérable hameau était exactement semblable à ce qu’avait été à Zhalie, des années auparavant. "

 

Extrait de Les chroniques de Zhalie, YAN Lianke, traduit par Sylvie Gentil, Éditions Philippe Picquier, 2013, p. 402-403

Les formes du vent

"À vingt-cinq pas à l’ouest, l’eau, rapide et profonde, est retenue par un barrage de pêcheurs ; au-dessus, il y a une colline ou poussent des bambous. Des chaos de pierres sortent brutalement de terre, dans un assaut de formes bizarres, innombrables. "

       […] " Je dispose natte et oreiller, et je m’étends. Les formes pures et froides parlent à mes yeux ; le murmure de l’eau parle à mon oreille ; le vide de l’espace immense parle à mon esprit ; le silence des profondeurs parle à mon cœur. "

       […] " Oh, si la splendeur de cette colline ornait l’un des sites célèbres proches de la capitale, les promeneurs fervents se la disputeraient pour milles pièces d’or sans l’obtenir. Ces terres sont à présent abandonnées. Paysans et pêcheurs les traversent avec mépris. Pendant des années, personne n’en voulut pour quatre cents sapèques. "

 

Extrait de La colline à l'ouest du gouffre du Brasero dans Les formes du vent, LIU Zongyuan, traduit par Martine Valette Hemery Éditions Albin Michel, 2007, p. 34-35

Pierre precieuse sur terre aride v2.0.jp
Bons baisers de Lénine
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" Il y aurait une cascade, en cours de construction, qu’on appellerait la " chute des Neuf Dragons ", il y aurait aussi des hôtels et des auberges, construits par les divers comités et bureaux gouvernementaux qui avait été sommés de se serrer la ceinture et de dénicher d’une manière ou d’une autre les crédits nécessaire. Des bâtiments de style Ming ou Quing uniquement, qui eureraient bon l’ancien temps et accueilleraient les touristes. Les dossiers avaient été déposés à la banque et certains bureaux - ceux des P. et T. et des communications, par exemple -avaient déjà réuni le capital. Le chantier du futur mausolée était entamé. [...] Bien évidemment, devant l’entrée s’étendraient une pelouse et une esplanade, anquée du parking, du kiosque à billets et d’une boutique. Et encore plus évidemment, il faudrait un restaurant et des toilettes. Le premier ne devrait pas pratiquer des tarifs trop exorbitants et la question de savoir si les secondes seraient ou non gratuites était encore en débat. Si là-dessus les avis divergeaient du comité permanent, il était un point sur tout le monde s’accordait : il faudrait qu’elle soit impeccables. "

          Extrait de Bons baisers de Lénine, YAN Lianke,traduit par Sylvie Gentil Éditions Philippe Picquier, 2012, p. 57-58

extrait le village englouti

" C'était la première fois que j'assistais à un match de football, et je compris enfin l'excitation que pouvait susciter ce spectacle. Des masses de spectateurs, venus de tous les environs et entassés sur les gradins, hurlaient ou se lamentaient "

 

[…]" Le stade n'était finalement qu'une gigantesque fosse d'aisances où n'importe qui, motivé ou pas par le football, venait évacuer ses humeurs.  La raison d'être de l'homme est sans doute la recherche du bruit "

 

[…]" En face de la tribune, des supporters,torse nu, poussaient des cris d'encouragement en agitant de gigantesques drapeaux. L'équipe de Xijing allait marquer un but, mais la manœuvre fut bloquée net par un arrière ennemi qu'un de nos joueurs plaqua au sol. L'arbitre brandit aussitôt un carton rouge. Cette décision déclencha un tollé et une véritable émeute. Le public dévala les gradins et en clin d’œil investit le terrain. "

[...]" Le terrain était noir de monde." 

Extrait du Village englouti de Jia Pingwa, Éditions Stock, 2000, p. 70-73 traduit par Genevière Imbot-Bichet

le stade entre ville et village
Belles fesses, beaux seins
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 "Enfin, sans lâcher son fusil, il grimpa sur la tour de guet. Haute de trois toises, elle était faite de quatre-vingt-dix-neuf grosses billes de bois.[…] 

[…]Shangguan Lüshi entendit un bruit ténu, le son de la culasse heurtée par le percuteur. Fusil brandi, Sima Ting attendait dignement. Shangguan Lüshi attendait elle aussi, bien que le van rempli de terre tirât terriblement sur ses bras et qu’elle fût obligée de se tordre le cou de façon très pénible. Sima Ting rabaissa son fusil et fit la moue comme un petit garçon boudeur.

Un son strident déchira le calme du bourg ; un instant, la lueur de la brume emplit le ciel tout entier, qui s’irisa de mille couleurs.

[…] Un sang chaud bouillonnant, qui nettoya ses artères. L’un après l’autre, ses muscles saillirent comme autant de fouets à bœuf sortant de leur fourreau. Le fer noir pilonnait le fer rouge, les étincelles jaillissaient, la sueur inondait son dos, la rigole entre ses gros seins devenait ruisseau, l’odeur du sang et du métal en fusion emplissait l’air."

Extrait de Beaux seins, belles fesses  de  Mo Yan , Éditions Points, p. 45-46

"A l’est, poussait un arbre au feuillage gigantesque et touffu, où nichaient des nuées d’oiseaux invisibles. Quand le père Yunlin avait commencé à exercer ses dons de guérisseur, les villageois avaient fait de cet arbre une manière de porte-bonheur et lui avaient donné le nom d’Arbre médicinal. Avec un petit couteau, Fan Jingquan avait gravé sur le tronc ce vers: « À l’arbre généreux, l’oiseau est reconnaissant.» Au pied s’étendait une aire de battage pour le blé, avec sept rouleaux de pierre, ainsi qu’une rangée de pieux - aux etrémités sculptées d’affreux visages - pour y attacher les ânes et les boeufs. Les champs de blé ayant disparu, une maison avait été bâtie sur une partie de l’aire."

Extrait de Village englouti, Jia Pingwa, traducteur Geneviève Imbot-Bichet, Éditions Stock, Paris, 2000, p. 67

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Village englouti 2
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"    Je range mon appareil photo dans son étui et sors faire un tour. Il y a très peu de maisons à cette altitude. J’aperçois devant moi un hameau, bien que cela ressemble plus à un enclos à moutons. Les toits d’ardoise des maisons de pierre atteignent presque le sol. Le chemin est plat et sec, chacun de mes pas soulève un nuage de poussière qui reste en suspension dans l’air. Un chien rampe sous une clôture et aboie lentement. Une jeune fille sort la tête de sous un toit, disparait, puis réapparaît avec un miroir. Elle s’assied et se coiffe. Le chemin poussiéreux est parsemé d’éclats d’ardoise. Derrière moi, des filles portant des pierres sur leurs dos approchent. Elles traversent mon nuage de poussière, puis s’arrêtent pour reprendre leur souffle. Tout bouge au ralenti : les nuages, les moutons, les chiens, les drapeaux de prière, moi. Je sens le sang affluer dans mes tempes. Mon front se lézarde, le sommet de mon crâne va se détacher. Bientôt, il se soulèvera comme la rotonde d’un observatoire spatial. Mes souvenirs me quittent. […] Je voyage depuis si longtemps, à travers tant de lieux étranges, que je suis devenu étranger à moi-même. "

Extrait de Chemins de poussière rouge, Ma Jian, traducteur Jean-Jacques Bretou, Éditions J'ai Lu, Paris, 2014, p. 419

Chemins de poussières rouges
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